Présentation du cycle « Continuum, habiter les parcours de santé, de soins et de vie »

Empreinte de vie, parcours de soins

Le système sanitaire est confronté à la question de la recomposition des trois parcours du patient: de santé, de soins et de vie. Trois échelles et trois articulations spatio-temporelles objets de mutations inédites. Ces mutations touchent le continuum de l’écosystème de la santé et le continuum urbain et environnemental, la post-métropole et les territoires contemporains. Du point de vue spatial, le continuum est caractérisé par les dispositifs et programmes favorisant l’intégration des parcours de santéet plus particulièrement par le système de distribution et les espaces de l’architecture hospitalière assurant l’accueil, le mouvement, l’orientation, la déambulation fluide.

Les lieux de la santé portent l’hospitalité comme la substance du processus génératif et évolutif de l’architecture et du design. Il s’agit de liens entre les édifices, les enclos, les quartiers, les places, les rues, et les espaces de la ville, l’habitat et les lieux des soins. Dès lors, la notion de continuum, développée par le géographe urbain Jean Gottmann, en tant qu’ensemble d’éléments agencés de manière à ce que l’on puisse passer de l’un à l’autre de façon continue, nous apparaît comme étant centrale.

Les relations des trois parcours de santé, de soins et de vie – qui sont au centre de la réforme mise en œuvre en France et dans divers contextes internationaux – sont objets de changements sans précèdent dans l’histoire. Comment la recomposition des parcours modifie la relation entre la ville, l’environnement et hôpital et invite à porter un nouveau regard sur l’architecture et le design hospitalier, notamment sur le système de circulation ? Comment la recomposition des parcours interroge l’hospitalité et l’efficacité des soins : comment sont-elles assurées ?

Complexité

Le système de santé est un des lieux de plus haute complexité de nos sociétés dans lequel s’exprime la facticité de l’existence de l’homme et la technicité des soins. La complexité correspond à l’irruption des antagonismes, des paradoxes ou des contradictions au cœur des phénomènes organisés. Comme l’explique Edgar Morin : « la pensée complexe est dès lors penser ensemble, sans incohérence, deux idées pourtant contraires […] la compréhension de la complexité suppose la prise en compte du principe dialogique, soit l’association (complémentaire, concurrente et antagoniste) d’instances nécessaires ensemble à l’existence, au fonctionnement et au développement d’un phénomène organisé. »

Ce qui est le propre du rapport de l’architecture, du design et de la santé : des domaines dont l’association est nécessaire à l’existence, au fonctionnement et au développement de ce que nous définissons le bien-être. Comment répondre aux problématiques du système de santé et de l’hôpital contemporain : le rapport de l’hôpital à la ville ; la relation entre l’ouverture et la sécurité ; la relation entre l’intimité et la technicité ; entre la compacité et la lisibilité des lieux, entre stabilité et flexibilité : des enjeux qui sont en même temps complémentaires, concurrents et antagonistes ?

Perception, orientation, identification

Une attention particulière est portée au « besoin d’orientation » et « d’identification » des utilisateurs et des usagers, patients, personnels de santé. Il s’agit de « fonctions » de base qui caractérisent les relations fondamentales qui existent entre l’homme et le milieu, l’architecture étant définie comme la « concrétisation de l’espace existentiel ». La qualité d’un lieu est donnée par le concept de continuité, qui se structure dans la relation particulière entre « l’espace, la forme et la figure ». Comment concevoir et abriter les espaces de la santé, un microcosme très particulier, qui soit à la fois protégé et ouvert sur l’extérieur ? Cette confrontation entre deux mondes, nécessite une définition et une mise en forme appropriée des espaces de transition, un art de la circulation et les dispositifs spatiaux nécessaires : les halls, les paliers, les couloirs, les escaliers, les patios, les lieux de passage. Mais encore, elle nécessite d’appréhender les ambiances et les atmosphères ; elle implique une prise en compte de la perception des espaces du continuum et une projection des scénarii d’usage. Comment réaliser les paliers de l’intimité et de la rencontre ? Comment concilier intimité et socialité ? Comment conjuguer la distribution rationnelle et ce que Louis Kahn a appelé une « architecture de la connexion » qui participe au « bien-être » de l’hospitalité ?

Ce qui nous entoure

L’architecture et le design concourent à déterminer l’espace – et l’atmosphère – de la rencontre, de l’échange et l’espace de l’intimité. On assiste depuis ces dernières années à une diversification de l’espace sanitaire et à la prolifération de nouveaux types d’établissements d’assistance médicale, sociale et psychiatrique. Ainsi la restructuration, le réemploi et la reconversion, des bâtiments hospitaliers témoignent d’une mutation importante de l’usage et de l’organisation de ce patrimoine architectural et des transformations des dernières années, riches de nouvelles réalisations architecturales. Dans ce contexte un champ relativement nouveau s’ouvre à l’investigation : considérer l’architecture et les « pratiques urbaines et domiciliaires » non plus sous le seul aspect de l’adéquation constructive, fonctionnelle et contextuelle, mais celui de leur « dépendance environnementale », dans laquelle la catégorie sanitaire joue un rôle de premier plan. Aujourd’hui, avec la nouvelle crise sanitaire, l’urbanisme, l’architecture et le design doivent à nouveau, chacun à leur échelle, réinterroger leurs relations réciproques avec la santé environnementale (santé des écosystèmes et santé humaine). Comment affronter les maladies émergentes à risque pandémique, ou éco-épidémiologique, en adoptant une vision holistique de la santé qui intègre santé humaine, santé animale et santé de l’environnement, pour comprendre leurs interactions et interdépendances ?

La relation à la nature

La relation à la nature concerne – au-delà de la végétalisation des surfaces – une multiplicité d’aspects parfois conflictuels ou contradictoires. Les bienfaits de la nature et un environnement sain sont généralement considérés comme un déterminant majeur de l’état de santé d’une population et, à cet égard, l’architecture, l’urbanisme et le paysagisme jouent un rôle fondamental pour assurer certains bienfaits. La nature peut favoriser notre bien-être général et sa contribution peut être d’autant plus élevée si un projet architectural et de design offre une pluralité de sens et d’usages. Cette nature multiple et réinventée est-elle l’un des éléments structurants de l’espace hospitalier proposée par les projets ? Comment ces derniers facilitent-ils la découverte et l’appropriation du lieu de l’hôpital et stimulent le sentiment de relation à la nature ? Y a-t-il des concepts paysagers dans les projets qui se traduisent par la découverte d’itinéraires, d’un environnement théâtralisé ou encore par une succession de séquences dynamiques ? Comment les projets intègrent-ils des actions liées à la nature tels que la contemplation, le jardinage, la recherche de soi, la promenade, etc. ? Nous nous proposons de croiser ces problématiques avec trois axes principaux qui nous paressent essentiels : les relations d’analogies et/ou de contrastes entre architecture, design et nature ; la mobilisation des effets thérapeutiques de la nature; la dimension écosystémique et la dimension sensitive du design et de l’architecture.

Démocratie sanitaire, pour une conception participative et inclusive

C’est la loi de modernisation du système de santé de 2016 qui introduit la notion de démocratie sanitaire dans le système de santé français. Selon l’Agence régionale de santé : « La démocratie en santé est une démarche associant l’ensemble des acteurs du système de santé dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation. Faire vivre la démocratie en santé nécessite de développer la concertation et le débat public, d’améliorer la participation des acteurs de santé et de promouvoir les droits individuels et collectifs des usagers. » L’écosystème de la santé s’en trouve profondément modifié avec l’apparition des associations d’usagers, des conférences régionales de la santé et de l’autonomie, avec le développement du concept de « patient expert ». Comment la conception des espaces et des temps de la santé peut-elle prendre en compte cette nouvelle approche du parcours de soin ? Quelles conséquences dans l’élaboration des cahiers des charges et de la programmation des établissements de santé ? Quels dispositifs, quels usages, quels scénarii inédits à penser et à matérialiser ? Comment architecture, architecture intérieure et design peuvent-ils mettre en œuvre les espaces de ce nouveau paradigme et remettre l’humain au cœur du continuum de la santé ?

Les nouveaux risques

Bruit, pollution de l’air, qualité et gestion de l’eau, protection des sols et de la biodiversité, mobilités, effets des changements climatiques : Aujourd’hui, une augmentation des pathologies attribuables à l’environnement urbain est constatée, ainsi qu’une augmentation des inégalités sociales et économiques.

La crise environnementale et la condition contemporaine de la spatialité anthropique (postmoderne ou surmoderne), agissent directement et indirectement sur la santé et, comme l’écrit Pier Giorgio Gerosa, influent sur les modes d’interaction entre les sujets et sur l’inscription dans l’espace. Le projet de santé en tant que continuum pour chaque personne induit une considération de sa faisabilité. Or comment disposer d’un projet de santé adapté et sur-mesure qui vise à ce que chaque territoire, qu’il s’agisse d’une île, de la montagne, de la périphérie, d’un milieu rural ou urbain, dispose d’un accès égal aux soins ?

Entre intime et rencontre, La santé mentale au temps de la pandémie

Les conséquences de la pandémie sur la santé mentale obligent à repenser fondamentalement l’offre de soins en psychiatrie et les relations entre celle-ci et les espaces aux différentes échelles. Aujourd’hui la psychiatrie trop souvent isolée du reste du système de soins, est débordée. Le parcours de soins risque d’être un labyrinthe pour les patients et leur famille. La santé mentale est le résultat d’une interaction entre les divers aspects de ce qui influe sur la santé de l’individu : la ville, l’environnement, l’objet, et encore le confort, le bien-être. L’architecture et le design sont étroitement associés à l’organisation et à la configuration spatiale des lieux de soins psychiatriques ainsi qu’aux pratiques qui y sont exercées : comment l’évolution de la prise en charge interroge les vertus thérapeutiques de l’architecture et du design ? Comment concevoir des bâtiments abritant un microcosme très particulier, qui soit à la fois protégé et ouvert sur l’extérieur ? Cette confrontation entre deux mondes, nécessite une définition et une mise en forme appropriée des espaces de transition. Comment réaliser les paliers de l’intimité et de la rencontre ? Les relations entre l’architecture, le design et la psychiatrie recouvrent des objets et des pratiques complexes, hybrides, interpellant autant la matérialité de ce qui nous entoure, que l’attractivité de l’espace et leurs représentations culturelles.

Objectifs

La santé interroge la culture architecturale et le design contemporain dans ses aspects les plus engagés et innovants. Elle touche au problème du bien-être, du confort et de la gestion territoriale des équipements et des services. La créativité est le caractère distinctif des pratiques de la conception architecturale et du design orientés vers le futur et sous-tendus par l’intention d’améliorer les conditions de vie et de l’habitabilité. L’objectif principal du cycle des séminaires est de confronter les nouvelles compétences et les nouvelles recherches avec des regards croisés entre architectes, designers, personnalités du monde de la santé et d’autres disciplines autour des grands changements de l’habitabilité du milieu, dans une démarche humaniste. Les séminaires visent à :

  • Explorer les nouvelles pratiques et théories dans les processus de conception des espaces de la santé.
  • Confronter les compétences et croiser les approches disciplinaires et interdisciplinaires
  • Développer une approche multisectorielle et multiscalaire dans un écosystème international.
  • Repenser et contextualiser les problématiques propres aux milieux de la santé.

Les expériences, les recherches pourront porter aussi bien sur le temps court que sur le temps long, sur différentes échelles – architecturales, urbaines, environnementales – et avec des approches interdisciplinaires. Une attention particulière sera accordée à la notion d’habitabilité et aux relations établies avec les processus de conception.

Programme

  1. Les lieux de la santé à l’épreuve de la crise : Mutabilité, flexibilité, élasticité, plasticité.
  2. Le parcours, l’orientation, l’identification : La vie, les soins, les lieux.
  3. La santé mentale, l’architecture et la ville au temps de la pandémie. Comment réconcilier l’intime, le soin et la rencontre ?
  4. L’environnement de la santé, la santé de l’environnement : Nature, design, architecture thérapeutique.
  5. Patient expert et expert concepteur : Comment concevoir les espaces de la santé démocratique et participative ?
  6. Peut-on transformer l’architecture sanitaire du XXe siècle ? Temporalité, pérennité, adaptabilité.